Cité Modèle

2008 • Gelatin silver bromide print on baryta paper Ilford Warmtone

1958. Bruxelles, devenue le siège d’une Europe qui commence à prendre forme, accueille une des plus importantes Expositions Universelles. La recherche du prestige digne d’une ville, capitale à la fois belge et européenne, s’impose tout de suite et se traduit par la construction de l’Atomium sur le plateau du Heysel, mais aussi par toute une série de projets architecturaux novateurs.

Mais d’autres espoirs se matérialisent dans le nord de la ville. Parmi ceux-ci, la Cité Modèle, un complexe de plusieurs bâtiments, crée pour accueillir des logements sociaux. Comme son nom l’indique, il s’agissait là d’une démonstration grandeur nature de la ville du futur selon l’utopie égalitaire de Le Corbusier : un logement universel pour un nouvel homme universel. Humanisme et modernité étaient d’ailleurs les mots-clé de la pensée de l’architecte Fernand Brunfaut, idéateur de la Cité. Maîtrisable, dominée et rassurante, la Cité aurait dû succéder au chaos, à l’imprévisibilité, à la fluidité ambiante citadine. Conçue au départ comme un morceau de ville indépendante, elle devait offrir à ses habitants tous les avantages d’une ville réelle, mais dans le cadre de vie sain et proche de la nature. La Cité aurait dû en quelque sorte contenir les fuites dans cet immense et solide rêve de bien-être, ordre et calme.

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2008. J’erre dans le ventre mou de la Cité, cherchant l’empreinte des résidents. J’aurais bien aimé venir ici et croiser sur la petite place Willy D. avec son chien, Nicola S. avec son inévitable cigarette ou Fabien Z., très occupé comme toujours. Mais aujourd’hui, il n’y a personne. Village fantôme, la Cité Modèle s’assoupit dans un silence à peine troublée par le bourdonnement qui serpente dans la ville, au loin. Ce n’est pas toujours comme cela. Bouillonnement d’espaces qui se dilatent et de temps qui se consomment, il y a plusieurs Cités Modèles, contradictoires et contrastantes. Autant de façon de vivre la Cité qui font éclater le Modèle. Ici, comme ailleurs, la vie progresse sur les décombres d’une utopie.